L’Anomalie (Hervé Le Tellier)
Ce roman a reçu le prix Goncourt 2020 et a beaucoup de succès. Je vous le recommande car je l’ai lu avec beaucoup de plaisir. A titre d’introduction, voici la présentation de la quatrième de couverture de l'édition Gallimard.
"Il est une chose admirable qui surpasse toujours la connaissance, l’intelligence, et même le génie, c’est l’incompréhension."
Tous croyaient avoir une vie secrète. Nul n’imaginait à quel point c’était vrai.
Roman virtuose où la logique rencontre le magique, "L’Anomalie" explore cette part de nous-même qui nous échappe.
Mais au moment de rédiger ici mon point de vue sur ce roman (un vrai thriller que je n’ai pas lâché avant de l’avoir terminé), je découvre sur Babelio deux articles critiques totalement opposés : je ne résiste pas (par paresse?) à faire usage de mon droit de citation pour vous les donner à lire. Ainsi vous saurez à quoi vous en tenir… Mon commentaire des expressions soulignées suit.
Article de Kirzy (27 novembre 2020) publié dans Babelio
Hervé Le Tellier commence par poser son casting comme dans une super série anglo-saxonne : un tueur à gages, un couple à la dérive, une fillette, un chanteur nigerian, une avocate... 8 personnages qui vont être confrontés à une situation inattendue, insensée même suite à un phénomène inexpliqué survenu dans un vol Paris-New-York, aux frontières du réel et de la quatrième dimension. Il ne faut surtout pas en dire plus pour ne pas gâcher le plaisir du lecteur. Car c'est un roman qui donne énormément de plaisir à mesure que le scénario se déroule.
Tout est diaboliquement intelligent. A commencer par les multiples arches narratives, parfaitement maîtrisées jusqu'à converger vers un même horizon. Les chapitres se terminent toujours avec un petit détail qui fait clic dans la tête, qui fait dire immédiatement qu'il va se passer, là, bientôt, quelque chose. Et quel plaisir de voir comment chaque personnage est associé à un genre littéraire dont l'auteur reprend les codes, entre hommage et pastiche. Ainsi se télescopent des passages type roman psychologique, roman policier, roman d'espionnage, littérature blanche classique, avec à chaque fois une réelle maîtrise.
Mais l'auteur ne fait pas que s'amuser avec les genres en mode exercice de style brillant, son roman a du fond et de la profondeur. L’Anomalie tend un miroir au lecteur, explorant la thématique de la confrontation à soi, le vrai soi. Jusqu'au vertige, il joue avec nos certitudes pour nous interroger sur notre place dans la société. Les dilemmes y sont permanents une fois révélé ce qui s'est passé dans l'avion, ainsi que les choix douloureux qui en découlent : qu'est-ce qui se passerait si... ? qu'est-ce qui vaut la peine de se battre jusqu'au sacrifice ? Qu'est-on prêt à abandonner ? Quand est-il juste d'abdiquer ? Quel est l'essentiel dans nos vies ?
Rare de lire un roman aussi exigeant dans la réflexion quasi philosophique qu'il propose, tout en étant populaire et accessible à tous. Du grand roman divertissant, assez fou et jubilatoire. Je regrette cependant un dénouement qui m'a semblé un poil obscur et de façon générale, une baisse de la tension dans le dernier tiers.
Article de Slowlife (7 novembre 2020) publié dans Babelio
L' intrigue est très embrouillée et totalement capillotractée. Les personnages sont sans profondeur, c'est vraiment le point faible de ce bouquin : ce sont des créatures fictives qui manquent singulièrement d'épaisseur psychologique, désincarnés en fait; ça commence très mal avec ce personnage de tueur tout droit sorti d'un mauvais thriller.
De plus c'est une histoire qui manque fichtrement d' émotion et où on s'ennuie souvent.
On assomme le lecteur de réflexions "philosophiques" lourdingues, le Tellier se prend beaucoup trop au sérieux et a un petit côté donneur de leçons; le passage avec les religieux est particulièrement superflu.
L'histoire avec ses contradictions temporelles est de plus en plus extravagante et le summum est atteint quand les quidams rencontrent leur double; on s'y perd complètement.
On peut se demander si le Tellier ce nouveau " philosophe ", existe vraiment ou si c'est un auteur virtuel ? A moins que ça soit son double qui ait écrit le bouquin, ou alors il y a un double du bouquin qu'il faudrait lire pour tout comprendre ?
Un pensum philosophico-dystopique abracadabrantesque, lourdingue et très surfait.
Mon avis
Je vous l’ai dit : pour ma part j’ai apprécié la lecture de L’Anomalie… et je pense que Slowlife est passée à côté de beaucoup de choses : lecture trop rapide ? alors, oui, l’intrigue peut sembler embrouillée… lecture superficielle ? alors, oui, les personnages paraissent sans épaisseur… Et quand elle dit "on s'y perd complètement", la faute est-elle à l’auteur maladroit… ou au lecteur paresseux ?
En fait je suis totalement d’accord avec ce qu’écrit Kirzy. Au point que j’ai souligné dans son texte quelques expressions que je m’apprêtais moi-même à utiliser pour rendre compte de mon bonheur de lecture ! Facétieux, inventif, intelligent, brillant, profond mais aussi exigeant, accessible et jubilatoire : je reprends volontiers tous ces adjectifs. J’ajoute même que je n’approuve pas la réserve qu’elle émet dans sa phrase finale : je pense qu’au contraire les dernières lignes surprenantes du livre coïncident avec l’hypothèse exposée des phénomènes rapportés (cf p. 169).
Je n'en dirai pas plus… Lisez l’ouvrage !
C'est un livre qui n'attend pas: il se lit d'une traite: je l'ai commencé hier après-midi, ,il m'a pris une partie de ma nuit et je l'ai fini! C'est jubilatoire;l'auteur s'amuse et nous aussi ; l'actualité n'est jamais loin ainsi que les travers de nos sociétés occidentales. Aucun domaine ne lui échappe: considérations scientifiques, philosophiques, littéraires. . Un vrai plaisir!
RépondreSupprimerOui, un roman intelligent, inventif, jubilatoire, très prenant, qui explore le thème du double en nous transportant à la limite de la réalité et du virtuel, qui joue avec les genres et univers romanesques en fonction des personnages: thriller, roman dans le roman, roman psychologique, réflexions philosophiques, données scientifiques, guerre, aventures, chanson, jusqu'au calligramme final. Et avec humour et légèreté !
RépondreSupprimerQuelques longueurs toutefois dans la deuxième partie, et dans la troisième, le temps passé avec des personnages qui deviennent plus nombreux est un peu court ...
J'ai vraiment aimé ce livre. En mettant les personnages face à eux-mêmes, il nous renvoie à une réflexion sur notre identité, notre essence et ce qui nous est essentiel, sur les problèmes de notre société, de notre monde, univers, temps-espace. Vertigineusement.
N'attendez pas ! Lisez-le. Pour celles et ceux qui ne l'ont pas, vous pouvez me contacter : pierrettevm@gmail.com