Un jour je m'en irai sans en avoir tout dit (Jean d'Ormesson)

 


Extrait du chapitre premier

Où l'auteur s'inquiète brièvement du sort d'un genre littéraire si longtemps triomphant et où il entre avec audace dans le cœur du sujet.

Vous savez quoi ? Tout change. Le climat, à ce qu'on dit. Ou la taille des jeunes gens. Les régimes, les frontières, les monnaies, les vêtements, les idées et les mœurs. Une rumeur court : le livre se meurt. Voilà près de trois mille ans que les livres nous font vivre. Il paraît que c'est fini. Il va y avoir autre chose. Des machines. Ou peut-être rien du tout. Et le roman ? Il paraît que le roman est déjà mort. 

(...)

Voici pourtant encore un livre, quelle audace ! voici encore un roman - ou quelque chose, vous savez bien, qui ressemble à un roman : des histoires, quelques délires, pas de descriptions grâce à Dieu, un peu de théâtre, pourquoi pas ? et les souvenirs, épars et ramassés pêle-mêle, d'une vie qui s'achève et d'un monde évanoui. Peut-être ce fatras parviendra-t-il, malgré tout, à jeter sur notre temps pris de doute comme un mince et dernier rayon ? Et même, qui sait ? à lui rendre enfin un peu de cette espérance qui lui fait tant défaut.

Humour, légèreté, élégance... Et en filigrane, des questions essentielles. Un délicieux moment de lecture. 

Sur Babelio : Jean d'Ormesson par sa fille Héloïse d'Ormesson 

Ouvrage disponible auprès de Christine ou Jacques Mauger

Commentaires

  1. J'ai commencé la lecture de ce livre il y a peu et d'emblée j'ai été conquise par l'originalité de ce roman. Conversation à bâtons rompus avec le lecteur sur des sujets divers, réflexions sérieuses sans prétention sur le ton du badinage, évocation de souvenirs avec plus d'humour que de nostalgie... Je ne suis qu'au début de ma lecture mais j'espère ne pas être déçue par la suite.

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  2. Nous avons tous en mémoire « jean d ‘ O », dandy légèrement dilettante avec sa cravate bleue toujours assortie à ses yeux d’un bleu profond, éternel séducteur se vantant d’avoir nagé dans toutes les mers du monde et récitant au cours de l’émission «  La Grande Librairie » le poème d Aragon « Que la vie en vaut la peine » dans lequel il a pioché au moins trois titres de ses ouvrages.
    Les trouverez-vous?
    Bien sûr.
    Michel
    Que la vie en vaut la peine – Aragon

    C’est une chose étrange à la fin que le monde
    Un jour je m’en irai sans en avoir tout dit
    Ces moments de bonheur ces midi d’incendie
    La nuit immense et noire aux déchirures blondes
    Rien n’est si précieux peut-être qu’on le croit
    D’autres viennent
    Ils ont le cœur que j’ai moi-même
    Ils savent toucher l’herbe et dire je vous aime
    Et rêver dans le soir où s’éteignent des voix
    D’autres qui referont comme moi le voyage
    D’autres qui souriront d’un enfant rencontré
    Qui se retourneront pour leur nom murmuré
    D’autres qui lèveront les yeux vers les nuages
    Il y aura toujours un couple frémissant
    Pour qui ce matin-là sera l’aube première
    Il y aura toujours l’eau le vent la lumière
    Rien ne passe après tout si ce n’est le passant
    C’est une chose au fond que je ne puis comprendre
    Cette peur de mourir que les gens ont en eux
    Comme si ce n’était pas assez merveilleux
    Que le ciel un moment nous ait paru si tendre
    Oui je sais cela peut sembler court un moment
    Nous sommes ainsi faits que la joie et la peine
    Fuient comme un vin menteur de la coupe trop pleine
    Et la mer à nos soifs n’est qu’un commencement
    Mais pourtant malgré tout malgré les temps farouches
    Le sac lourd à l’échiné et le cœur dévasté
    Cet impossible choix d’être et d’avoir été
    Et la douleur qui laisse une ride à la bouche
    Malgré la guerre et l’injustice et l’insomnie
    Où l’on porte rongeant votre cœur ce renard
    L’amertume et
    Dieu sait si je l’ai pour ma part
    Porté comme un enfant volé toute ma vie
    Malgré la méchanceté des gens et les rires
    Quand on trébuche et les monstrueuses raisons
    Qu’on vous oppose pour vous faire une prison
    De ce qu’on aime et de ce qu’on croit un martyre
    Malgré les jours maudits qui sont des puits sans fond
    Malgré ces nuits sans fin à regarder la haine
    Malgré les ennemis les compagnons de chaînes
    Mon Dieu mon
    Dieu qui ne savent pas ce qu’ils font
    Malgré l’âge et lorsque soudain le cœur vous flanche
    L’entourage prêt à tout croire à donner tort
    Indiffèrent à cette chose qui vous mord
    Simple histoire de prendre sur vous sa revanche
    La cruauté générale et les saloperies
    Qu’on vous jette on ne sait trop qui faisant école
    Malgré ce qu’on a pensé souffert les idées folles
    Sans pouvoir soulager d’une injure ou d’un cri
    Cet enfer
    Malgré tout cauchemars et blessures
    Les séparations les deuils les camouflets
    Et tout ce qu’on voulait pourtant ce qu’on voulait
    De toute sa croyance imbécile à l’azur
    Malgré tout je vous dis que cette vie fut telle
    Qu’à qui voudra m’entendre à qui je parle ici
    N’ayant plus sur la lèvre un seul mot que merci
    Je dirai malgré tout que cette vie fut belle

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    1. Ah ! Ah ! Un défi ? Fastoche...

      Un jour je m'en irai sans en avoir tout dit, 2013
      Je dirai malgré tout que cette vie fut belle, 2016
      Et moi je vis toujours, 2018

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    2. je vois un 4ème titre : c'est une chose étrange à la fin que le monde

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